Pompée : Un Homme entre Gloire et Défaite

Pompée (106 – 48 av. J.-C.) fut l’un des plus grands généraux et hommes d’État de la fin de la République romaine. Son ascension fulgurante, ses campagnes militaires victorieuses et son rôle dans le Premier Triumvirat aux côtés de Jules César et Crassus en font une figure majeure de l’histoire romaine.

Pompée le grand

Gnaeus Pompeius Magnus, également connu sous le nom de Pompée le Grand (vers 106 – 48 av. J.-C.), fut l’un des plus brillants commandants et figures politiques de la fin de la République romaine. Entrant sur la scène politique à un très jeune âge, il joua un rôle important dans la sanglante guerre civile qui engloutit la République.

Au cours de sa longue carrière, Pompée le Grand fit preuve de talents militaires exceptionnels sur le champ de bataille. Il rétablit le contrôle de Rome sur l’Espagne et réprima la révolte des esclaves menée par Spartacus. Mais surtout, Pompée éradiqua la piraterie en Méditerranée, assurant ainsi la domination incontestée de Rome sur cette mer intérieure. Ses légions étendirent la portée de Rome vers l’Est, conquérant l’Asie Mineure, la Syrie et la Palestine.

Pour contourner un Sénat hostile, Pompée s’associa à deux autres grands personnages, César et Crassus, et forma le Premier Triumvirat, une alliance politique conçue pour bénéficier aux trois. Mais cette alliance n’était pas destinée à durer. Après la mort soudaine de Crassus en Parthie, Pompée et César s’engagèrent dans une guerre civile sanglante, qui se solda par la défaite et la mort de Pompée.

Quelles réformes Pompée a-t-il introduites ?

  • La réorganisation des provinces orientales après ses conquêtes.
  • La lutte contre la corruption et la piraterie en Méditerranée.
  • La construction de monuments publics à Rome pour renforcer sa popularité.

Pompée le Grand : Les premières années

L’histoire de l’expansion romaine est celle de grands hommes, qui, grâce à leur statut, leurs talents et leurs compétences, ont contribué à faire de Rome une superpuissance du monde antique. Pompée le Grand fut l’un d’eux.

Né vers 106 av. J.-C. dans la région du Picénum, sur la côte adriatique de l’Italie, il était le fils du riche et influent Pompée Strabon. Bien que Strabon ait été un commandant et un homme d’État accompli, occupant même la charge de consul en 89 av. J.-C., sa famille ne faisait pas partie de l’aristocratie romaine traditionnelle. De plus, étant né en dehors de Rome, il n’était pas considéré comme un véritable Romain. Mais cela ne l’arrêta pas — il n’était pas du genre à se laisser arrêter par quoi que ce soit.

La brillante carrière militaire de Pompée débuta très jeune, lorsqu’il combattit aux côtés de son père à la bataille d’Asculum. Cependant, son ascension fut entachée par un scandale. Son père s’était forgé une réputation de cupidité, de duplicité politique et de brutalité militaire, ce qui lui valut peu d’amis à Rome.

Après la mort de Strabon, Pompée fut jugé pour des accusations liées à l’appropriation du butin de guerre d’Asculum, bien que les faits aient été attribués à son père. Non seulement il fut acquitté, mais il épousa aussi la fille de l’un des juges du procès.

Alors que Pompée était encore en procès, la République sombrait dans la lutte entre Marius et Sylla. Héritant non seulement de la fortune mais aussi de la fidélité des légions de son père, le jeune Pompée, alors âgé d’à peine 23 ans, prit parti pour Sylla dans la guerre civile. C’est à ce moment qu’il révéla son génie militaire.

Un général en pleine ascension

Portrait de Pompée le Grand
Portrait de Pompée le Grand au musée du Louvre.

Après la prise de Rome par Sylla, ce dernier récompensa Pompée en lui donnant la main de sa belle-fille et en lui confiant la tâche de pacifier les derniers partisans de Marius en Sicile et en Sardaigne.

La prochaine étape de la carrière militaire de Pompée fut sa campagne en Afrique, où les derniers partisans de Marius avaient rassemblé une grande armée avec le soutien du roi numide Hiarbias. Non seulement Pompée vainquit ses ennemis, mais il envahit la Numidie et installa un allié de Rome sur le trône.

De retour à Rome, ivre de succès, il réclama un triomphe. D’abord réticent, Sylla refusa, car Pompée n’avait pas encore occupé de magistrature officielle et n’était donc pas éligible pour une telle distinction. Cependant, face à l’enthousiasme populaire et militaire, Sylla dut céder.

En plus d’un triomphe splendide, le jeune général de 25 ans reçut le surnom de “Magnus”, signifiant “le Grand”. Son héros d’enfance était Alexandre le Grand, et il était déterminé à marcher dans ses pas. Comme le temps le démontra, Pompée allait avoir de nombreuses occasions de prouver sa valeur.

À la mort de Sylla en 78 av. J.-C., la République devint vulnérable face à ses ennemis. Après avoir écrasé une révolte en Italie, Pompée se dirigea vers l’Espagne, où les derniers partisans de Marius s’étaient regroupés sous le commandement du général rebelle Quintus Sertorius.

Une Guerre Difficile en Espagne

Arrivé en Espagne en 76 av. J.-C., Pompée dut affronter un adversaire redoutable et rusé. Sertorius, familier du terrain et des tactiques romaines, mena une guerre éprouvante contre lui. Pompée subit sa première défaite, perdant un tiers de son armée au combat. Pendant cinq ans, la guerre se poursuivit avec brutalité. En infériorité numérique, les troupes de Sertorius et ses alliés locaux menèrent une guerre de guérilla.

Craignant de perdre une autre bataille rangée (et son commandement), Pompée adopta une stratégie plus prudente : détruire les places fortes rebelles une par une. Finalement, ce ne fut pas une bataille qui décida de l’issue du conflit, mais une trahison. Après l’assassinat de Sertorius par ses propres hommes, Pompée exploita le chaos dans les rangs ennemis et lança une offensive décisive, mettant fin à la guerre.

Esclaves et Pirates

La victoire, bien que durement acquise, renforça l’influence politique de Pompée à Rome et accrut son soutien populaire. Cependant, ses prochains exploits allaient véritablement propulser sa carrière et assurer sa place dans l’histoire.

Alors que Pompée combattait en Espagne, l’Italie fut secouée par une révolte d’esclaves. En 73 av. J.-C., un Thrace du nom de Spartacus mena une révolte qui mit Rome en échec à plusieurs reprises. Il fallut attendre 71 av. J.-C. pour que les légions de Marcus Licinius Crassus parviennent à écraser l’armée de Spartacus. Pourtant, ce ne fut pas Crassus mais Pompée qui reçut les honneurs. De retour d’Espagne, il intercepta et anéantit les dernières bandes de fugitifs, ce qui lui valut un second triomphe.

Dès lors, Pompée et Crassus devinrent les deux figures politiques majeures de Rome. Brisant toutes les règles établies, ils refusèrent de dissoudre leurs armées (comme la tradition l’exigeait) et réclamèrent le consulat. Le Sénat, impuissant, céda. Ainsi, en 70 av. J.-C., Pompée fut élu consul à seulement 35 ans.

Mais au lieu de prendre le commandement d’une province, il décida d’employer son nouveau pouvoir pour résoudre un problème croissant : la menace des pirates en Méditerranée.

Pompée contre les Pirates

Depuis la fin du IIe siècle av. J.-C., la piraterie représentait un grave danger pour le commerce maritime. Les redoutables pirates s’attaquaient aux navires transportant du blé, capturaient les équipages pour les réduire en esclavage, et exigeaient d’énormes rançons pour les prisonniers fortunés. Même Jules César, encore jeune, fut capturé et rançonné (avant de se venger et de faire crucifier ses ravisseurs).

Au départ, Rome toléra la piraterie, qui lui fournissait une main-d’œuvre bon marché pour l’agriculture et les mines. Mais lorsque les pirates commencèrent à menacer l’approvisionnement en blé, provoquant des pénuries alimentaires et une hausse des prix, Rome ne put plus rester passive.

C’est à Pompée qu’échut la mission de mettre un terme à cette menace. Il accomplit cette tâche avec brio. En 67 av. J.-C., une loi lui octroya des pouvoirs extraordinaires ainsi que des ressources considérables pour mener cette guerre.

Grâce à une flotte colossale de plus de 500 navires, Pompée mena une campagne éclaire contre les pirates, attaquant leurs repaires de la Crète à la Cilicie, en passant par les côtes sud de l’Anatolie. En quelques mois seulement, il éradiqua la piraterie et stimula l’économie romaine. Il alla même plus loin en réinstallant les anciens pirates dans l’intérieur des terres et en les transformant en agriculteurs, réduisant ainsi l’attrait de la piraterie.

Pompée venait de réaliser l’un des plus grands exploits militaires de son temps, consolidant encore davantage sa gloire et son pouvoir.

Gloire en Orient

Buste de Mithridate VI.
Buste de Mithridate VI.

Alors que Pompée combattait la piraterie, Rome était engagée dans une longue guerre contre Mithridate VI du Pont, un puissant souverain qui dominait l’Asie Mineure et bénéficiait du soutien du royaume d’Arménie. Le conflit s’enlisait, et en 66 av. J.-C., une nouvelle loi lui accorda le commandement suprême de toutes les forces romaines en Orient.

Pompée se lança dans la campagne avec énergie et détermination. Rapidement, il expulsa Mithridate d’Asie Mineure, forçant le roi du Pont à se réfugier en Crimée. Puis, il pénétra en Arménie. Les sources divergent sur la nature de son intervention : Rome fut-elle invitée ou attaqua-t-elle de force ? Quoi qu’il en soit, à l’issue de cette campagne, un allié romain monta sur le trône arménien.

Après avoir vaincu les tribus du Caucase, Pompée poursuivit Mithridate jusqu’en Crimée. Ce dernier, comprenant que toute résistance était vouée à l’échec, préféra se suicider en 63 av. J.-C., mettant fin à la guerre.

Désireux d’assurer la stabilité des nouvelles provinces, Pompée envahit la Syrie, provoquant la chute définitive de l’Empire séleucide. Il annexa également la Judée septentrionale, plaçant ces territoires sous le contrôle romain.

Sa campagne de quatre ans permit d’étendre la domination romaine sur une grande partie de l’Orient. En plus d’apporter prestige et richesses à Rome, ces nouvelles provinces établirent une zone tampon face à la menace du puissant Empire parthe. L’immense butin ramené d’Orient fut en partie redistribué aux légionnaires, renforçant leur fidélité envers Pompée. Il gagna aussi la sympathie des cités helléniques en leur accordant une autonomie partielle.

À son retour à Rome en 61 av. J.-C., Pompée reçut un troisième triomphe, le plus somptueux et spectaculaire jamais organisé. Il dura deux jours entiers ! Pour les Romains, il semblait que Pompée avait conquis le monde – et ils n’avaient pas tout à fait tort. Vainqueur d’Orient, maître de l’Espagne, écraseur de la révolte servile et exterminateur de la piraterie, Pompée méritait pleinement son surnom de « Magnus » – le Grand.

Le Premier Triumvirat

Pompée était l’homme le plus populaire de Rome. Le peuple l’adorait, mais le Sénat le redoutait. Jaloux de son pouvoir et de son influence, les sénateurs refusèrent de ratifier les mesures prises en Orient et bloquèrent l’octroi de terres à ses vétérans.

Mais Pompée n’était pas homme à abandonner facilement. Il chercha alors un allié de poids : Jules César.

Contrairement à Pompée, César gravit progressivement les échelons de la politique romaine, respectant les traditions que Pompée méprisait. De plus, il appartenait à une famille influente et jouissait d’une grande habileté diplomatique. À son retour d’Espagne en 60 av. J.-C., César et Pompée scellèrent une alliance avec Crassus, l’homme le plus riche de Rome.

Chacun apportait un atout stratégique :

  • Pompée avait la puissance militaire,
  • César possédait les réseaux politiques,
  • Crassus détenait les ressources financières.

Pour renforcer leur lien, Pompée épousa Julia, la fille de César.

Cet accord, connu sous le nom de Premier Triumvirat, leur permit de contourner le Sénat et de gouverner Rome à eux trois. En 59 av. J.-C., César devint consul, ce qui permit à Pompée de tenir ses engagements envers ses vétérans d’Orient.

Contrairement à César, qui partit ensuite conquérir la Gaule, Pompée se retira des affaires militaires et resta à Rome, où il entreprit une réorganisation du ravitaillement en blé. Il posa ainsi les bases d’un système structuré, permettant d’approvisionner Rome avec du grain venu de Sicile, d’Égypte et d’Afrique du Nord.

En 55 av. J.-C., Pompée fut à nouveau élu consul, cette fois aux côtés de Crassus. Pourtant, des tensions commencèrent à fragiliser le Triumvirat.

En 54 av. J.-C., la mort de Julia, son épouse, mit fin à son lien personnel avec César. Puis, en 53 av. J.-C., Crassus mourut en Parthie, en tentant de rivaliser avec la gloire militaire de Pompée.

Désormais, Rome n’avait plus que deux maîtres. L’affrontement entre Pompée et César devenait inévitable.

La Fin de Pompée

Pompée meurt assassiné en Égypte
Pompée meurt assassiné en Égypte. Son cadavre est décapité et sa tête conservée pour être remise en cadeau à Jules César. Huile sur toile de Gaetano Gandolfi. XVIIIe siècle. Musée Magnin, Dijon. Credit : Wikimedia.

Les succès de César en Gaule inquiétaient profondément le Sénat. Une fois de plus, un général puissant et populaire, soutenu par ses légions, menaçait la République. Mais cette fois, le scénario était inversé : le héros du Sénat n’était autre que Pompée le Grand, autrefois méprisé par cette même assemblée pour avoir ignoré toutes les traditions.

Pompée comptait peut-être sur sa richesse et son expérience militaire pour l’emporter. Mais après que César eut franchi le Rubicon en 49 av. J.-C., l’ancien maître de Rome se révéla incapable de vaincre son ex-allié. César disposait de légions endurcies par des années de campagnes, tandis que Pompée dut reconstituer une armée républicaine à la hâte.

Pendant un an, il évita tout affrontement direct. Mais en 48 av. J.-C., convaincu que l’heure était venue, Pompée choisit la bataille. D’abord, il remporta une victoire éclatante à Dyrrachium, repoussant les forces de César. Mais ce fut son ultime succès.

Était-ce de l’orgueil ou une simple erreur de jugement ? Quelle qu’en soit la cause, la bataille de Pharsale tourna à la débâcle. Bien que son armée fût plus nombreuse, Pompée fut écrasé par les forces de César. En fuite, il se réfugia en Égypte, comptant sur le soutien du roi Ptolémée XIII, son ancien protégé.

Mais il fut trahi. Alors qu’il débarquait à Alexandrie, il fut assassiné et décapité sur ordre du roi égyptien, qui espérait gagner les faveurs de César. Mais ce dernier, à son arrivée en Égypte, réagit avec horreur. Selon Cassius Dion, le dernier triumvir pleura son ancien rival.

Pompée le Grand : Dernier Héros de la République ?

L’héritage de Pompée le Grand est complexe. Par ses victoires militaires et son habileté diplomatique, il porta la République romaine à son apogée.

  • En Orient, il étendit la domination romaine jusqu’en Mésopotamie.
  • En Occident, il consolida la présence romaine en Espagne et en Afrique.
  • Par l’éradication de la piraterie méditerranéenne, il transforma la mer en un espace sécurisé, stimulant ainsi le commerce et l’économie.
  • Les États-clients qu’il mit en place restèrent fidèles à Rome pendant des siècles, jouant un rôle stratégique contre les Parthes et, plus tard, les Sassanides.

Mais ses exploits furent éclipsés par les conséquences politiques de ses actions. Ambitieux et impatient, il contourna les institutions républicaines, renforçant l’allégeance des légions à sa propre personne plutôt qu’à l’État. Ses pouvoirs étendus, d’abord sur la Méditerranée, puis en Orient, en firent l’homme le plus puissant de Rome, sapant ainsi le système républicain.

L’impact de son influence se retrouve jusqu’en Orient, où certaines cités hellénistiques instaurèrent un calendrier pompéien, prenant pour référence l’an 63 av. J.-C., date de leur libération (ou conquête) par Pompée.

Sa popularité croissante et l’attachement des légions à sa personne inquiétèrent le Sénat, qui tenta de réduire son pouvoir. En réponse, il forma le Premier Triumvirat, marginalisant le Sénat et mettant la République sous le contrôle de Pompée, César et Crassus.

Finalement, le choc entre Pompée et César, deux hommes d’armes ambitieux, précipita la chute de la République. Ironiquement, après l’assassinat de César, ce fut un nouveau conflit civil qui détruisit définitivement l’ancien ordre et ouvrit la voie à l’Empire romain.

Ainsi, l’homme qui avait tant fait pour Rome, par ses conquêtes et ses réformes, fut aussi celui dont l’ascension contribua à sa transformation.

Questions/Réponses sur Pompée

Pourquoi était-il surnommé « le Grand » ?

Pompée a reçu le surnom de « Magnus » (le Grand) en référence à Alexandre le Grand, en raison de ses succès militaires impressionnants, notamment ses campagnes en Orient et sa lutte contre la piraterie en Méditerranée.

Quelles étaient les principales conquêtes de Pompée ?

La piraterie en Méditerranée : Pompée a éliminé la menace des pirates en seulement trois mois en 67 av. J.-C. Les campagnes en Orient : Il a vaincu Mithridate VI du Pont, annexé la Syrie et conquis Jérusalem, étendant l’influence romaine en Asie Mineure et au Moyen-Orient.

Quelle était la position de Pompée dans la politique romaine ?

Pompée était un optimates, c’est-à-dire qu’il soutenait les intérêts de l’aristocratie sénatoriale. Cependant, il a souvent agi de manière indépendante pour consolider son pouvoir, ce qui a créé des tensions avec le Sénat.