L’empereur Néron occupe une place particulière dans le hall de l’infamie de l’Histoire. En effet, c’est un homme qui tua son demi-frère et concurrent pour le trône, ainsi que ses deux épouses. De plus, Néron tenta de tuer sa mère, et après plusieurs tentatives échouées, ses assassins réussirent à l’atteindre.
L’empereur était également connu pour être un persécuteur impitoyable des premiers chrétiens (y compris les saints Pierre et Paul). Enfin, une scène tristement célèbre (presque devenue un mème) dépeint l’empereur « jouant de la lyre pendant que Rome brûlait ». Toutes ces accusations, si elles sont vraies, font effectivement de Néron l’un des pires empereurs romains. Pourtant, la réalité est bien plus complexe que le mythe.
La plupart de ce que nous savons de l’empereur Néron provient des œuvres de trois historiens : Tacite, Suétone et Dion Cassius. Ces travaux, rédigés des décennies après la mort violente de Néron, ont été réalisés avec un agenda clairement anti-neronien par des personnes issues de la classe sénatoriale. La nouvelle dynastie utilisa ces sources pour asseoir sa légitimité, ternissant ainsi le nom des dirigeants précédents, dont Néron.
Néron, peut-être, n’était pas un empereur modèle. Il n’était ni particulièrement bon, ni sage. Il accéda au trône à un jeune âge et demeura longtemps dans l’ombre de sa mère. Ses politiques et son comportement étaient considérés comme peu romains par les élites, qui détestaient le jeune souverain. Pourtant, Néron était populaire auprès du peuple. Ses extravagances et son obsession pour le théâtre et les jeux firent de Néron l’un des rares dirigeants romains à essayer sincèrement de comprendre ses sujets. Comprendre Néron lui-même n’est pas facile, mais il est possible de démasquer l’homme derrière le mythe.
Néron : L’Empereur Malgré Lui

Lorsque Lucius Domitius Ahenobarbus naquit en 37 de notre ère, il ne savait pas qu’un jour il régnerait sur l’empire le plus puissant du monde. Lucius était le fils d’Agrippine la Jeune et de Gnaeus Domitius Ahenobarbus, tous deux parents du premier empereur romain, Octavien (Auguste). Cependant, le chemin du jeune garçon vers le trône n’était pas assuré. À seulement deux ans, Agrippine fut exilée pour sa prétendue participation à un complot contre son frère, l’empereur Caligula. Et un an plus tard, le père du garçon mourut.
Cependant, l’assassinat de Caligula en 41 de notre ère fit changer la roue du destin, ramenant Agrippine de son exil. En 49, elle épousa l’empereur Claude. L’année suivante, l’empereur adopta Lucius, lui donnant un nouveau nom — Néron.
Néron n’avait que 13 ans. On peut seulement imaginer ce qui se serait passé si sa mère avait été différente. Peut-être que Néron aurait été mémorisé comme un grand artiste ou un athlète accompli. Mais la mère de Néron, Agrippine, était l’une des femmes les plus ambitieuses de toute l’histoire romaine. Il est incertain si elle fut impliquée dans le complot contre Caligula.
Ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est qu’Agrippine joua un rôle clé pour garantir une place au sommet pour son fils et elle-même. Pour se rapprocher de Claude, Agrippine dut écarter sa rivale, l’épouse de l’empereur, Messaline. Elle arrangea ensuite le mariage de son fils avec la fille cadette de Claude, Octavie, consolidant ainsi la prétention de Néron au trône.
En 54, Claude mourut, soit de causes naturelles, soit empoisonné. Selon Suétone, Agrippine joua un rôle dans la disparition de Claude, et elle tenta d’empêcher l’empereur de désigner le fils de Messaline, Britannicus, comme héritier. Le rapport de Suétone pourrait n’être qu’une rumeur (après tout, Suétone adorait les potins).
Cependant, après la mort de Claude, l’armée et le Sénat proclamèrent unanimement Néron empereur. Le jeune homme n’avait pas encore 17 ans. Agrippine avait réalisé son rêve, devenant non seulement la femme la plus puissante de l’empire romain, mais une dirigeante de facto.
Toutes les Femmes de l’Empereur

Agrippine exerça une influence considérable sur les affaires romaines, surtout au début du règne de Néron. L’étendue de son pouvoir se reflète dans les pièces de monnaie frappées lors de la première année du règne de son fils. L’une des premières pièces représente Agrippine sur l’avers — la place traditionnellement réservée à l’empereur. D’autres pièces montrent un portrait commun de la mère et du fils.
Le pouvoir d’Agrippine, cependant, commença bientôt à diminuer, car Néron chercha à se débarrasser de l’influence envahissante de sa mère. D’abord, il écarte les alliés d’Agrippine des postes de pouvoir. L’implication de Néron dans l’élimination de son demi-frère Britannicus pourrait également être vue comme une tentative de se débarrasser d’un possible allié d’Agrippine. Lorsque cette dernière chercha à se lier d’amitié avec l’épouse de Néron, Octavie, l’empereur l’exila du palais.
Le mariage de Néron avec Octavie était avant tout une affaire politique orchestrée par Agrippine. Ainsi, la relation du jeune empereur avec une esclave affranchie, Claudia Acte, exacerba encore davantage le conflit entre Néron et sa mère. N’étant plus son partenaire et alliée, Agrippine devint un fardeau et un obstacle.
Il est possible qu’Agrippine, insatisfaite de sa position, ait été impliquée dans un complot contre son fils. Les sources sur la mort d’Agrippine diffèrent et se contredisent, mais elles s’accordent toutes à dire que la mère de Néron survécut à plusieurs tentatives d’assassinat. La plus célèbre impliqua une barque de plaisance qui se coucha d’elle-même, d’où Agrippine échappa miraculeusement, réussissant à nager jusqu’à la rive. Finalement, les assassins de Néron accomplirent leur tâche. Agrippine fut tuée, ou, peut-être, contrainte de se suicider.
La disparition d’Agrippine pourrait avoir été causée par son opposition à l’affaire de Néron avec Poppaea Sabina, une autre femme importante dans la vie de l’empereur. Poppaea provoqua également l’exil, puis la mort (ou le suicide) de la première épouse de Néron, Octavie. Contrairement à Octavie, qui était prétendument stérile, Poppaea donna un enfant à Néron, assurant ainsi la continuité de la dynastie impériale. Cependant, le bonheur au sein de la famille impériale ne dura pas longtemps.
La fille de Néron mourut seulement quelques mois après sa naissance. Une autre tragédie s’en suivit. Selon les sources, envahi par la rage, Néron donna un coup de pied dans le ventre de Poppaea enceinte, causant sa mort. L’histoire s’accorde parfaitement avec l’image du tyran fou.
Toutefois, les sources poursuivaient un agenda précis et ont été rédigées des décennies après la mort de Néron, de sorte que les auteurs ne pouvaient pas connaître les détails de la vie privée de l’empereur. De plus, l’image d’une femme enceinte tuée d’un coup de pied par un mari enragé apparaît dans de nombreuses œuvres littéraires antiques comme un leitmotiv, illustrant les tendances autodestructrices des tyrans « fous ».
La réalité est moins scandaleuse. Poppaea est probablement morte des suites de complications liées à sa grossesse. Si elle avait porté un fils (ou même une fille), il serait illogique que l’empereur mette en danger la vie de cet héritier tant attendu, même dans un accès de rage.
La mort due à des complications fatales d’une fausse couche ou d’une mort-née était une occurrence fréquente dans l’Antiquité. Après la mort de Poppaea, Néron tomba dans un profond deuil. Poppaea reçut non seulement des funérailles d’État, mais elle fut également embaumée et divinisée. On ne pouvait guère attendre un tel niveau de dévotion de la part d’un mari meurtrier.
Détesté par les élites et adoré par le peuple
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Malgré l’agenda anti-neronien, toutes les sources s’accordent à dire que les premières années du règne de Néron furent prometteuses. Dès son ascension au trône, Néron bannit les procès secrets de Claude et accorda des pardons. Si l’on en croit Suétone, Néron, lorsqu’on lui demanda de signer un mandat de mort, s’écria qu’il aurait préféré ne jamais avoir appris à écrire.
Durant cette première période de son règne, deux hommes compétents et puissants offrirent des conseils à l’empereur jeune : le précepteur et conseiller de Néron, Sénèque, et le préfet du prétoire, Burrus.
C’est sur les conseils de Sénèque que l’empereur Néron organisa l’expédition du Nil, qui mena les explorateurs romains au cœur de l’Afrique subéquatoriale. Néron présida également deux victoires militaires.
Ses généraux écrasèrent la révolte des Iceni dans la province récemment établie de la Bretagne, tandis que les légions romaines remportaient un succès rare contre la Parthie, amenant le royaume arménien dans l’orbite romaine. En 66 de notre ère, le nouveau roi arménien visita Rome pour recevoir sa couronne de Néron et offrir son allégeance.
Bien qu’il fût adoré par le peuple, les élites détestaient Néron. L’une des principales raisons de cette animosité résidait dans l’amour profond de Néron pour la Grèce et l’Orient. En tant qu’enfant, Néron fut éduqué par des érudits hellénistiques renommés et se consacra à l’art et à la poésie. Si l’on en croit le poète Martial, Néron n’était pas un amateur. Quelques exemples survivants montrent que l’empereur prenait la poésie au sérieux.
Peut-être trop sérieusement, car Néron est le seul empereur romain à avoir personnellement participé à diverses pièces de théâtre et concours. Néron aimait regarder des spectacles théâtraux, mais il y participait aussi. Ce comportement causa un autre scandale, puisque dans la société romaine, les acteurs étaient au bas de l’échelle sociale.
Pour aggraver les choses, l’empereur Néron adorait un autre passe-temps romain favori : les courses de chars. À plusieurs reprises, il conduisit lui-même une quadrige (un char à quatre chevaux). Il gagna même des courses ! Néron se délectait de l’adulation de ses sujets. Vers la fin de son règne, l’empereur décida de voyager en Grèce et ordonna aux Grecs de concentrer toutes les grandes fêtes locales en une seule année.
Les Jeux Olympiques furent également déplacés afin que Néron puisse y participer. Néron prit ainsi part à plus de mille activités, « gagnant » toutes celles auxquelles il participa (y compris celles auxquelles il n’assista pas). En récompense, il « libéra » la Grèce en 67 de notre ère, l’exemptant des taxes (Vespasien annula cette mesure un an plus tard). Néron n’était pas un homme ordinaire.
Pour toute sa convivialité, l’empereur Néron était avant tout un autocrate. Le souhait de Néron était un ordre pour son peuple. Celui-ci n’avait d’autre choix que d’obéir. Tandis que la population acceptait volontiers cette relation, les élites étaient moins enthousiastes à l’idée de leur empereur philhellène. La Grèce était le centre de la culture dans le monde antique, et de nombreux sénateurs envoyaient leurs enfants à l’Est pour y recevoir une éducation.
Mais une obsession aveugle pour tout ce qui était grec était perçue comme un défaut, une marque d’efféminité et de perversité. Il n’aidait pas non plus que Néron, en l’absence de grandes victoires militaires et de conquêtes, ait décidé de taxer les riches sur leurs propriétés pour financer ses ambitieux projets de construction. Le Sénat refusa naturellement. Peu à peu, la prise de Néron sur l’empire commença à s’affaiblir.
Le Grand Incendie de Rome

L’une des premières associations qui surgit dans l’esprit d’une personne en entendant le nom de Néron est celle d’une silhouette corpulente vêtue d’une toge, portant une couronne de laurier, debout sur une terrasse colonnadée, jouant de la lyre, tandis qu’autour de lui, un grand feu fait rage, dévorant Rome et ses citoyens impuissants. Cette image, immortalisée par Hollywood, reste gravée dans nos esprits. Elle incarne l’image d’un tyran insouciant et fou, indifférent à la grande tragédie qui se déroule sous ses yeux.
Le Grand Incendie de Rome n’est pas une légende. Le 18 juillet 64 de notre ère, dans la dixième année du règne de l’empereur Néron, un incendie éclata dans le Circus Maximus. Malgré son apparence grandiose, Rome était une ville densément construite, remplie de bâtiments mal construits et facilement inflammables.
Pourtant, l’ampleur de cette catastrophe particulière était sans précédent. Le feu brûla pendant neuf jours. Lorsqu’il fut enfin éteint, 10 des 14 districts de la ville étaient dévastés, tandis que trois furent complètement détruits.

Contrairement aux récits populaires, Néron n’est guère responsable de la catastrophe. Lorsque l’incendie commença, il n’était même pas dans la ville. Néron se reposait dans sa villa à Anzio, à 50 km de Rome. Dès qu’il fut informé de l’incendie, il se hâta de revenir dans la capitale, où il dirigea personnellement les efforts de secours. Néron assista même les victimes.
Tacite, le seul historien qui était vivant au moment du Grand Incendie (bien qu’il n’ait alors que 8 ans), écrivit que l’empereur ouvrit le Champ de Mars et ses jardins somptueux aux sans-abri, construisit des logements temporaires et apporta de la nourriture à prix réduit.
L’empereur offrit également des incitations financières pour assurer la rapide reconstruction de la ville et adopta de nouvelles réglementations pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent.
Mais l’empereur n’était pas totalement innocent. Néron devait trouver un bouc émissaire pour prévenir toute explosion de violence parmi la population ou une révolte à grande échelle. Il trouva ses coupables parmi les chrétiens locaux, des adeptes d’une secte orientale qui présentait déjà un inconvénient.
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure le récit de Tacite est exact et dans quelle mesure il relève de l’invention. Néanmoins, les histoires de violences terribles commises contre les chrétiens suscitèrent une rancœur compréhensible parmi eux. Les premiers écrivains chrétiens continuèrent de propager cette histoire, l’embellissant avec des détails horrifiques à mesure que le pouvoir de la secte grandissait, faisant de l’empereur Néron un modèle de l’Antéchrist.
Néron, le Bâtisseur

Néron n’a pas déclenché l’incendie. Mais il en a indéniablement profité. Après la catastrophe, l’empereur entreprit un ambitieux programme de reconstruction. Selon Tacite, Néron s’y attaqua avec tant de ferveur que de nombreux Romains commencèrent rapidement à se demander s’il n’avait pas ordonné l’incendie en premier lieu. Un siècle après la mort de l’empereur Néron, Cassius Dio considéra cette joie comme une preuve cruciale de la culpabilité de Néron.
Le projet de construction de Néron fut perçu comme l’illustration ultime de la mégalomanie de l’empereur. En effet, la Domus Aurea (la Maison d’Or) était un symbole d’opulence. Couverte des collines du Palatin, du Caelius et de l’Esquilin à Rome, c’était le plus grand complexe palatial du monde.
Certaines pièces étaient recouvertes d’or et décorées de nacre, de pierres précieuses, de plafonds en ivoire et de dispositifs spéciaux qui diffusaient des parfums. Le complexe somptueux contenait de nombreuses piscines et fontaines, des jardins élaborés et un grand lac artificiel. L’attraction principale était la salle à manger circulaire et rotative, un chef-d’œuvre de l’ingénierie antique.

Malgré les critiques acerbes, l’empereur Néron suivit le modèle établi par ses prédécesseurs. Comme en témoignent la villa de Tibère à Sperlonga, la résidence somptueuse de Caligula aux Horti Lamiani (sur la colline de l’Esquilin à Rome), et le nymphaeum de Claude à Baiae (sur le golfe de Naples), chaque empereur cherchait à surpasser son prédécesseur.
Les empereurs étaient autorisés (et attendus) à étaler leur richesse et leur statut, mais Néron alla trop loin. Ou peut-être pas ? Les récentes fouilles archéologiques suggèrent que la massive Domus Aurea n’était pas destinée à être une résidence privée, mais un bâtiment public. Le nouveau palais de Néron devait être une maison pour le peuple et son protecteur et artiste — l’empereur.
Plusieurs bâtiments publics construits à Rome sous le règne de Néron confirment davantage cette hypothèse. Néron fit construire de magnifiques thermes publics et un grand marché couvert. Particulièrement intéressant est le Gymnasium Neronis.
Avant Néron, les gymnases étaient un luxe réservé uniquement aux riches. Néron brisa cette division. À partir de Néron, ces installations devinrent des lieux ouverts à tous les citoyens. L’empereur construisit également un amphithéâtre en bois pour satisfaire le besoin de divertissement public.
L’empereur Néron : VILAIN OU VICTIME ?

En 65 de notre ère, la soi-disant conspiration pisonienne échoua à tuer l’empereur. La réponse de Néron fut rapide et sévère. Les conspirateurs furent condamnés à mort ou exilés. Parmi les tués se trouvait l’ancien conseiller de Néron, le philosophe Sénèque. Mais le mécontentement des élites envers l’empereur philhellène despote ne put être contenu.
En 68 de notre ère, le gouverneur de la Gaule se rebella contre l’empereur Néron, déclarant son soutien à Galba, le gouverneur de l’Espagne. Les troupes gauloises furent défaites, mais les ennemis de l’empereur gagnèrent les faveurs d’une grande partie de l’armée.
Lorsque les légions en Égypte arrêtèrent les convois vitaux de céréales, Néron perdit le soutien du peuple de Rome. Abandonné par ses sujets et déclaré ennemi de l’État par le Sénat, Néron s’enfuit de la capitale, mettant fin à ses jours par suicide.
Suétone nous raconte que les dernières paroles du malheureux empereur furent : « Quel artiste meurt en moi ! » Ce qui suivit fut le protocole romain établi de la damnatio memoriae. En raison du soutien populaire en déclin, un enterrement privé eut lieu, et les cendres de Néron furent placées dans la tombe familiale de son ancienne maîtresse Acte.
En l’absence d’un héritier légitime (Néron n’avait pas de descendants), l’Empire plongea dans le chaos, connu sous le nom de l’année des quatre empereurs. Finalement, Vespasien émergea victorieux, établissant la nouvelle dynastie flavienne. Pour légitimer sa prétention, le nouvel empereur effaça à la fois Néron et son œuvre de la mémoire des Romains.
La Domus Aurea (qui était probablement encore en construction) fut abandonnée et ensevelie. À proximité immédiate, le nouvel empereur fit construire le magnifique Colisée, qui est encore debout. Seule une petite partie du palais de Néron survécut, ses magnifiques fresques bien conservées. Tant la dynastie flavienne que la dynastie nerva-antonine continuèrent de vilipender Néron, tout comme les chrétiens, dont les persécutions coïncidaient avec le récit d’un empereur fou.
Des siècles après sa mort, les historiens et les artistes ont adopté l’image de l’empereur monstre. Hollywood s’est également joint à ce courant, jouant volontiers la carte du « fou », avec le grand Peter Ustinov incarnant l’empereur Néron dément dans le film culte « Quo Vadis ». Ce n’est que récemment que la tendance s’est inversée, les historiens et archéologues ayant commencé à reconsidérer l’homme derrière le mythe.
Néron fut un empereur controversé — un homme qui monta sur le trône à contrecœur, suivant le grand plan de sa mère. Il chercha ensuite à se débarrasser de son influence écrasante, réussissant finalement à gagner son indépendance par le sang. Il était aussi l’empereur artiste, aimé du peuple et détesté des élites. Néron régna paisiblement et se lança dans plusieurs projets grandioses. Il affronta aussi l’une des pires catastrophes que Rome ait jamais connues. À travers tout cela, Néron réussit. Mais cela ne suffisait pas.
Le conflit de Néron avec le Sénat résonnait de la même manière que celui de son oncle Caligula. Dans les deux cas, les empereurs tentèrent d’imposer leur volonté et de prouver leur autorité suprême. Dans les deux cas, ils furent tués bien avant leur temps. Leurs noms furent ternis et ils furent qualifiés de monstres pendant des générations.
La seule différence est que, tandis que la disparition de Caligula aboutit à une transition pacifique du pouvoir, la mort de Néron entraîna le chaos. La guerre civile sanglante donna naissance à une nouvelle dynastie, qui damna non seulement Néron, mais aussi la plupart des Julio-Claudiens, transformant l’histoire en propagande. Ainsi, l’empereur qui voulait être artiste devint un Antichrist.
Image: Statue moderne de l’empereur Néron à Anzio, réalisée par Claudio Valenti (2010), Helen Cook, CC BY-SA 2.0