Thoutmôsis III : Le Napoléon de l’Égypte Antique (1479-1425 av. J.-C.)

Thoutmôsis III (vers 1481-1425 av. J.-C.) fut l’un des plus grands pharaons de l’histoire égyptienne, régnant sur l’Égypte ancienne durant la XVIIIᵉ dynastie. Surnommé le « Napoléon de l’Égypte », il est célèbre pour ses nombreuses campagnes militaires, qui étendirent l’empire égyptien à son apogée.

Sphinx en bronze de Thoutmôsis III

Thoutmôsis III, également connu sous les noms de Thoutmosis ou Touthmosis, est souvent considéré comme l’un des plus grands rois militaires de l’histoire égyptienne. Il mena de nombreuses campagnes militaires à l’étranger, principalement en Asie occidentale mais aussi en Nubie. Ces expéditions lui rapportèrent des esclaves, du butin et même des tributs à long terme. Voici dix faits fascinants sur sa vie, son règne, sa mort et son influence sur le monde moderne.

Thoutmôsis III commença sa carrière sous l’autorité de sa belle-mère

Lorsque Thoutmôsis II mourut, son fils Thoutmôsis III n’était encore qu’un tout jeune enfant, confié aux soins de sa mère, Iset. Son père avait également épousé sa demi-sœur Hatchepsout.

Un enfant de deux ans étant incapable de régner, Hatchepsout assuma officiellement la régence. Toutefois, elle finit par gouverner comme un véritable pharaon, se faisant même représenter en tenue royale masculine. Leur règne conjoint dura 22 ans, jusqu’à la disparition d’Hatchepsout des archives historiques, laissant Thoutmôsis III seul au pouvoir.

Thoutmôsis III fit effacer le nom d’Hatchepsout de nombreux monuments qu’ils avaient érigés ensemble. Pendant longtemps, les égyptologues y virent un signe de ressentiment. Cependant, ces actes de damnatio memoriae n’eurent lieu que 25 ans après sa mort. Aujourd’hui, on pense plutôt qu’il s’agissait d’une manœuvre visant à faciliter la transmission du pouvoir à son propre fils, Amenhotep II.

Thoutmôsis III tua 120 éléphants en Syrie

À l’époque du Nouvel Empire, des éléphants vivaient encore en Syrie. Près de la ville de Niy, dans le nord du pays, Thoutmôsis III rencontra un grand troupeau et, selon ses annales, il reçut de Rê la force divine nécessaire pour les abattre et récolter leur ivoire. Il insista sur le fait qu’il ne s’agissait ni d’exagération ni de mensonge.

Cependant, les inscriptions funéraires de son général Amenemhab offrent une version légèrement différente des faits. D’après lui, il aurait aidé le roi à accomplir cet exploit. Il raconta qu’il trancha la trompe du plus grand éléphant mâle—qu’il appelait sa « main »—lorsqu’il se retrouva face au pharaon. En récompense, Thoutmôsis III lui offrit de l’or et des vêtements neufs.

L’éléphant de Syrie finit par disparaître, victime de la demande croissante d’ivoire, notamment chez les Araméens, qui sculptaient ces précieuses défenses pour orner des meubles avec des motifs influencés par l’art égyptien.

Thoutmôsis III n’a plus de pieds pour marcher

Statue en granit du pharaon Thoutmôsis III.
Statue en granit du pharaon Thoutmôsis III.

Thoutmôsis III est souvent comparé à Napoléon Bonaparte, non seulement pour son ambition impériale, mais aussi pour sa petite taille. En effet, sa momie ne mesure que 1,62 mètre. Toutefois, il est probable qu’il était plus grand, car ses pieds sont absents.

Sous la XXIe dynastie, des pilleurs saccagèrent les tombes royales de la Vallée des Rois pour en voler les trésors. Les autorités égyptiennes décidèrent alors de protéger les momies royales en les déplaçant vers deux caches distinctes, l’une située dans la vallée, l’autre à l’extérieur. La momie de Thoutmôsis III fut transférée dans cette dernière et, au cours du processus, ses pieds furent probablement endommagés ou perdus.

… tandis que ses épouses étrangères aimaient les chaussures de luxe

Thoutmôsis III utilisa une stratégie ingénieuse pour maintenir la loyauté des cités conquises en Asie occidentale : il prit en otage les fils des dirigeants locaux et les éduqua à la cour égyptienne. Il épousa également trois princesses étrangères, nommées Menhet, Menwi et Merti. Leur tombe fut découverte dans une vallée isolée de Louxor, appelée la Vallée des Singes.

L’isolement du tombeau ne suffit pas à le protéger : au début du XXe siècle, les villageois locaux le pillèrent avant l’arrivée des archéologues, détruisant complètement les momies. Cependant, divers artefacts furent retrouvés, notamment des perles en cornaline, des bracelets en verre, des colliers en or, des diadèmes et des jarres canopes en pierre contenant leurs organes momifiés. Parmi ces objets se trouvaient également des chaussures finement décorées, témoignage du goût des épouses royales pour le raffinement et le luxe.

La Tombe de Thoutmôsis III dans la Vallée des Rois : Une Décoration Unique

La chapelle des Ancêtres du roi Thoutmôsis III
La chapelle des Ancêtres du roi Thoutmôsis III, vestige du temple d’Amon à Karnak – Louvre. Source : Wikimedia, CC BY 3.0

La plupart des tombes royales de la Vallée des Rois sont richement décorées et colorées. Pourtant, Thoutmôsis III a choisi un style étonnamment sobre pour sa propre tombe (KV34). Creusée à flanc de falaise, elle est aujourd’hui accessible par un long escalier métallique.

La chambre funéraire présente une forme ovale, rappelant le cartouche royal qui entoure le nom du pharaon. Ses murs sont peints sur un fond blanc cassé imitant le papyrus, et les textes ainsi que les figures sont inscrits en hiéroglyphes cursifs, un style généralement réservé aux manuscrits de papyrus.

Thoutmôsis III Possédait un Zoo et un Jardin Botanique Virtuels

Les artistes égyptiens reproduisaient avec une grande fidélité le monde naturel qui les entourait. Lors des campagnes de Thoutmôsis III en Syrie, son armée rencontra des plantes et des animaux inconnus en Égypte. Ses artistes prirent soin d’en faire un relevé précis, ou peut-être ramenèrent-ils des spécimens dans la vallée du Nil.

De retour en Égypte, ils créèrent un tableau unique dans son temple de Karnak, appelé l’Akh-Menou. Les murs de cette salle sont ornés de reliefs représentant les animaux et les plantes observés en Asie occidentale. Si certains ont pu être identifiés comme des espèces connues, d’autres restent encore un mystère.

Ainsi, Thoutmôsis III laissa aux générations futures un témoignage visuel de la biodiversité des terres qu’il avait conquises, tout en ordonnant la destruction des vergers et des récoltes de blé de ses ennemis vaincus.

Une Fiscalité Lourde pour le Peuple Égyptien

Thoutmôsis III
Statue de Thoutmôsis III exposée au musée de Louxor. Source : Wikimedia.

Thoutmôsis III ne se contentait pas de percevoir des tributs auprès de ses vassaux en Asie et en Nubie. Il imposa également des taxes à ses propres sujets égyptiens. Celles-ci étaient payées en nature et administrées par son vizir Rekhmirê, l’équivalent antique d’un Premier ministre.

Le tombeau de Rekhmirê illustre fidèlement ses nombreuses responsabilités, notamment la collecte des impôts. Traditionnellement, ces derniers étaient prélevés en céréales, parfois de manière brutale, les collecteurs n’hésitant pas à user du fouet pour obtenir leur dû.

Outre les céréales, les impôts pouvaient être payés sous forme de bétail, de miel, de fruits, de tourterelles, de nattes ou encore de tissus en lin.

La Plus Ancienne Recette Égyptienne Date de Son Règne

Le tombeau de Rekhmirê nous a également laissé la première recette de cuisine connue de l’Égypte antique : les gâteaux « shat ». L’ingrédient principal de ces douceurs était le souchet comestible, également appelé « noix tigrée » ou « chufa » en espagnol.

Le souchet est un petit tubercule sucré au goût rappelant un mélange d’amande et de noix de coco. En Espagne, il est utilisé pour préparer l’horchata, une boisson rafraîchissante.

Les noix tigrées étaient broyées en une fine poudre, puis mélangées avec du miel pour former une pâte. Celle-ci était ensuite frite dans du gras, probablement de l’huile d’oie.

Longtemps, les spécialistes ont cru que ces gâteaux étaient à base de caroube. Mais la découverte d’un pot de souchets étiqueté dans une tombe à Assouan a confirmé qu’il s’agissait bien de cet ingrédient.

L’Influence de Thoutmôsis III en Asie Occidentale

Bague-scarabée de Thoutmôsis III
Bague-scarabée de Thoutmôsis III. Source : Wikimedia, CC BY-SA 4.0.

Les nombreuses campagnes militaires et l’administration de l’Asie occidentale par Thoutmôsis III ont laissé une empreinte durable sur la région, ce que confirment les fouilles archéologiques.

De nombreux objets d’inspiration égyptienne ou directement importés d’Égypte ont été retrouvés en Israël, en Syrie, au Liban et en Jordanie. L’un des plus répandus est le scarabée-sceau portant le nom de Thoutmôsis III.

Cependant, tous les scarabées à son nom ne datent pas nécessairement de son règne. Traditionnellement, ces amulettes n’étaient gravées qu’avec le nom du pharaon en exercice. Mais la renommée de Thoutmôsis III fut telle que des générations entières continuèrent à produire des scarabées à son effigie, aussi bien en Égypte que dans les territoires qu’il avait conquis. Ainsi, la datation de ces objets ne peut être confirmée qu’en tenant compte d’autres indices stylistiques et contextuels.

Thoutmôsis III et la Fin de la Première Guerre mondiale

Bataille de Megiddo (1918)
Bataille de Megiddo (1918).

Si l’importance de l’étude de l’Histoire devait être illustrée par un exemple marquant, ce serait l’une des dernières batailles de la Première Guerre mondiale près de Megiddo (l’Armageddon biblique) en Palestine. Sous le commandement du général Allenby, les forces alliées, notamment la cavalerie, remportèrent une victoire décisive.

Allenby était ami avec l’égyptologue James Henry Breasted et avait lu ses traductions des annales de Thoutmôsis III. Dans ces textes, le souverain égyptien relatait comment il avait voulu attaquer la ville fortifiée de Megiddo. Ses généraux lui conseillèrent d’avancer par une plaine ouverte, mais Thoutmôsis III avait une autre stratégie en tête.

Il existait un passage relativement étroit, et il suggéra que son armée y passe « cheval par cheval » afin de surprendre l’ennemi. Ses officiers durent se ranger à son avis, et cette approche s’avéra être un succès retentissant.

Allenby appliqua exactement la même tactique avec un succès tout aussi éclatant. Ce fut le début de la fin pour les Ottomans, que combattaient les Alliés. Ainsi, à travers les millénaires, Thoutmôsis III, l’un des plus grands stratèges de l’Antiquité, influença de manière inattendue l’issue d’une guerre moderne.