La Campagne de Russie de Napoléon Bonaparte en 1812 et sa tentative d’invasion ont eu des conséquences désastreuses dans l’histoire.
Le 19 octobre 1812, à l’aube, la Grande Armée de l’Empereur Napoléon quittait les ruines encore fumantes de Moscou. L’armée en retraite comptait 100 000 soldats français, accompagnés de 40 000 chariots remplis de butin, de provisions, de blessés et de malades. Alors que cette immense armée se faufilait dans l’obscurité comme des voleurs, un officier supérieur fit remarquer la lourdeur de l’air : « L’obscurité de la nuit et les débris encore fumants sous nos pieds remplissaient nos esprits de mélancolie. »
La campagne de Russie et l’incendie de Moscou
La retraite commença cinq semaines après l’entrée triomphale de Napoléon et de son armée à Moscou, après une marche de 800 km au cœur de la Russie, laissant derrière eux des cadavres, des villes et des villages incendiés. Pourtant, Moscou n’était pas la grande récompense espérée. Lorsque Napoléon atteignit la ville au début de septembre, elle n’était plus qu’une coquille vide. Ses habitants avaient fui après l’avoir incendiée, et les violents vents du nord avaient attisé les flammes. En quelques jours, les quartiers en bois de la ville furent réduits en cendres, ne laissant intact que le Kremlin et ses alentours, où le commandement français s’établit.
L’incendie de Moscou prit Napoléon au dépourvu. Il considérait cela comme une tactique de guerre « inacceptable ». Le comportement du gouverneur de la ville, Fiodor Rostoptchine, le stupéfia. Ce dernier avait ordonné la confiscation de toutes les pompes et tuyaux d’incendie, ne laissant aux Français que des seaux pour tenter d’éteindre le brasier. Un témoin déclara : « Nous marchions sur une terre brûlante, sous un ciel enflammé, entre des murs en feu. »
Napoléon espérait que le tsar Alexandre Ier accepterait de négocier et se soumettrait à l’occupation française. Cependant, Alexandre refusa d’envisager cette option, et Napoléon décida de ne pas affronter l’hiver russe à Moscou. Il choisit plutôt de se replier vers l’ouest et de repenser sa stratégie en Europe.
Ignorant les avertissements sur l’arrivée imminente des tempêtes de neige et du verglas, Napoléon ne reprit pas la route du sang qu’il avait ouverte à l’aller. Il se dirigea plutôt vers le sud-ouest. Mais, à Maloyaroslavets, les troupes du général Koutouzov lui barrèrent la route, l’obligeant à revenir sur la route dévastée qu’il avait empruntée à l’aller.
Le 29 octobre, la Grande Armée, harcelée à chaque étape par les cosaques et surprise par une violente tempête de neige, atteignit Borodino, à 112 km à l’ouest de Moscou. Les soldats furent horrifiés par la vision et l’odeur des cadavres enflés et à moitié enterrés de ceux tombés lors des combats des mois précédents.
La campagne de Russie sous -30 degrés
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Epuisée, la Grande Armée poursuivit sa marche vers la base logistique de Smolensk. La première semaine de novembre, des chutes de neige intenses commencèrent. La glace s’épaissit, et le froid atteignit -30 degrés. De nombreux soldats perdirent leurs doigts et leurs orteils à cause du gel. Beaucoup moururent d’épuisement et de froid là où ils s’effondraient.
Affamés, les soldats tuèrent leurs chevaux pour les manger. Le foie et le cœur étaient considérés comme des mets de choix. Certains se nourrirent de carcasses gelées d’animaux trouvées sur le bord de la route et burent une soupe préparée avec du sang coagulé fondu. D’autres mangeaient de la neige saupoudrée de poudre à canon. Les hommes la ramassaient dans leurs casques et la consommaient désespérément.
Parfois, des paysans russes donnaient de la nourriture et des boissons aux soldats français. Mais lorsqu’ils s’endormaient après avoir mangé à satiété, ces mêmes paysans leur tranchaient la gorge et donnaient leurs corps aux porcs.
Épuisée, affamée et ravagée par la dysenterie, la Grande Armée atteignit Smolensk le 9 novembre. Les premiers arrivés consommèrent en trois jours quatorze jours de rations, ne laissant rien aux colonnes en marche derrière eux. La « retraite tactique » de Napoléon se transformait en déroute. Sous l’attaque de trois armées russes, il dut reprendre la route et se diriger vers Borisov, sur la rive opposée de la rivière Bérézina.
La tragédie de la Bérézina et la fuite de Napoléon
Lors de la traversée de la Bérézina, un des ponts de fortune s’effondra. Les Russes ouvrirent alors le feu sur l’armée en retraite. En tout, 32 000 soldats, civils et suiveurs de l’armée périrent dans la rivière glacée. Après cette traversée cauchemardesque, il ne restait plus que 20 000 soldats vivants qui atteignirent le village de Smorgoni.
C’est là que Napoléon, le 5 décembre, laissa le commandement des restes de la Grande Armée au maréchal Joachim Murat, d’origine tatare kipchak. Il prit ensuite la route pour Paris en traîneau. Son objectif était de couper court aux rumeurs selon lesquelles il aurait été tué sous les murs de Moscou.
Ainsi se termina la désastreuse campagne de Russie de Napoléon, un épisode qui précipita la chute de l’Empire français.
La Montée et la Chute de Napoléon Bonaparte
Né le 15 août 1769 en Corse, Napoléon Bonaparte s’illustra comme un brillant officier pendant la Révolution française. Ses victoires contre les Autrichiens en Italie en 1796-1797 firent de lui un héros national. L’année suivante, bien que son expédition en Égypte fût un échec en raison de la destruction de la flotte française par l’amiral britannique Horatio Nelson lors de la bataille d’Aboukir, sa réputation n’en fut que renforcée.
De retour secrètement en France, Napoléon s’empara du pouvoir lors du coup d’État du 18 Brumaire en 1799, devenant Premier Consul, c’est-à-dire le dirigeant de facto du pays. Au début des années 1800, il mit en place une série de réformes juridiques sous le Code Napoléonien, qui demeure aujourd’hui encore la base du droit français.
En 1804, il se proclama empereur des Français. Malgré la destruction de sa flotte à Trafalgar (Bataille de Trafalgar) par Horatio Nelson en 1805, il resta invaincu sur terre jusqu’en 1812. Toutefois, une série de défaites commencée avec la désastreuse campagne de Russie le contraignit à abdiquer en 1814. Il fut alors exilé sur l’île d’Elbe, au large de la côte nord-ouest de l’Italie.
Pourquoi Napoléon a-t-il envahi la Russie ?
Au début de l’année 1812, Napoléon prenait conscience pour la première fois que son pouvoir n’était pas absolu. Depuis longtemps, il nourrissait l’ambition d’envahir l’Angleterre, mais la marine française ne disposait ni des navires ni des ressources nécessaires pour une attaque d’envergure. Il tenta alors d’établir un blocus continental contre les marchandises britanniques, espérant provoquer une crise économique qui pousserait les Anglais à la révolte. Mais cette stratégie échoua en raison de son incapacité à contrôler l’Espagne, le Portugal et la Russie.
Son intervention en Espagne et au Portugal déclencha la guerre d’Espagne, où ses troupes furent battues par les forces britanniques, espagnoles et portugaises sous le commandement d’Arthur Wellesley, futur duc de Wellington.
Napoléon tourna alors son regard vers la Russie, qu’il considérait comme une porte vers l’Inde et les richesses de l’Orient. En 1807, il signa un traité de paix avec le tsar Alexandre Ier sur un radeau ancré au milieu du Niémen, près de Tilsit. Les deux empereurs s’entendirent si bien que Napoléon déclara : « Je serai votre secrétaire, et vous serez le mien », se partageant ainsi l’Europe : l’Occident pour Napoléon, l’Orient pour Alexandre.
Lors d’une seconde rencontre l’année suivante, Alexandre s’engagea à soutenir Napoléon en cas d’attaque autrichienne. Cependant, la famille et les conseillers du tsar l’exhortèrent à renier cette alliance avec celui que sa mère qualifiait de « tyran sanguinaire ».
Quand la guerre éclata avec l’Autriche en 1809, les troupes russes promises par Alexandre ne se montrèrent pas. Napoléon dut remporter la victoire sans leur aide, ce qui détériora définitivement leurs relations. Le tsar refusa par la suite de répondre aux appels à l’amitié de Napoléon et ignora ses menaces militaires.
En 1812, Napoléon amassa ses troupes à la frontière polonaise. Le 24 juin, à la tête d’une Grande Armée de 600 000 hommes, incluant des contingents prussiens et autrichiens, il traversa le Niémen et marcha sur Moscou.
L’erreur fatale de Napoléon en Russie
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Deux facteurs principaux expliquent la débâcle de Napoléon en Russie : les conditions climatiques extrêmes et les graves lacunes logistiques. En avançant vers Moscou, ses soldats durent affronter des pluies torrentielles et une chaleur accablante. Un soldat désespéré décrivit leur calvaire ainsi : « Nous étions soit enfoncés dans le sable, soit embourbés jusqu’aux genoux dans la boue. »
Dès les premières semaines de campagne, des dizaines de milliers d’hommes et de chevaux périrent à cause des maladies et des coups de chaleur. Lors de la bataille de la Moskova (Borodino) le 7 septembre, la Grande Armée perdit 60 000 soldats en seulement 15 heures. Les troupes survivantes durent ensuite se disperser sur un front de plus de 1 000 km.
À leur arrivée à Moscou une semaine plus tard, il ne restait qu’un peu plus de 100 000 hommes sur les 600 000 qui avaient entamé la campagne. Napoléon comptait sur les ressources locales pour nourrir son armée, mais la tactique de la terre brûlée employée par les Russes anéantit cette possibilité.
L’incendie de Moscou, la résistance acharnée des Russes et les rigueurs de l’hiver scellèrent le sort de la Grande Armée. Exposés aux pires conditions climatiques des deux saisons, les soldats de Napoléon furent décimés, et la retraite devint un véritable cauchemar.
La Situation en Europe après la Campagne de Russie
La défaite de Napoléon en Russie galvanisa de nombreux peuples européens. Son aura d’invincibilité s’effondra, et il ne fut plus perçu comme le « maître de l’Europe ». Pourtant, malgré la perte des deux tiers de ses meilleurs soldats, il retourna en France et entreprit de lever une nouvelle armée en réunissant des fonds.
La Prusse, inquiète de cette menace persistante, forma une alliance avec la Russie et la Suède. En 1813, les combats reprirent : Napoléon remporta des victoires à Lützen et Bautzen, à l’est de l’Allemagne, mais au prix de lourdes pertes.
Ces revers renforcèrent la détermination de ses adversaires. La puissance légendaire de Napoléon et sa résistance inébranlable laissèrent aux coalisés une seule option : l’union. En juin 1813, l’Angleterre rejoignit la Prusse et la Russie. Peu après, Wellington remporta une victoire décisive à Vitoria, en Espagne, repoussant les Français au-delà des Pyrénées et mettant fin à la guerre d’Espagne.
En août, l’Autriche entra en guerre contre la France. Début 1814, l’Empire napoléonien était attaqué sur tous les fronts. En mars, dans la ville de Chaumont, l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et la Prusse signèrent le traité de la Quadruple Alliance, s’engageant à poursuivre la guerre jusqu’à la capitulation totale de Napoléon. Cette coalition mena à son abdication le 6 avril 1814 et à son exil sur l’île d’Elbe.
Comment Napoléon Bonaparte est-il mort ?
Après son évasion d’Elbe et la brève période des « Cent-Jours » (20 mars – 22 juin 1815), Napoléon reprit le pouvoir mais fut vaincu à Waterloo. Il fut alors exilé une seconde fois, cette fois sur l’île reculée de Sainte-Hélène.
Depuis sa mort survenue le 5 mai 1821, la cause exacte de son décès fait débat. Souffrant depuis des années d’hémorroïdes, de crises de syncope et d’infections urinaires, il ne put être efficacement soigné par ses médecins. Le rapport d’autopsie conclut à une mort due à un « ulcère gastrique cancéreux ».
Un mois avant sa mort, Napoléon avait commencé à vomir une étrange substance brun foncé, décrite comme ressemblant à du « marc de café ». Ce symptôme alimenta les soupçons d’un empoisonnement progressif.
Les Mystères autour de la Mort de Napoléon
Au départ, certains soupçonnèrent ses domestiques de Longwood House, sa résidence à Sainte-Hélène, d’être responsables de son empoisonnement. Plus récemment, certains spécialistes avancèrent l’hypothèse d’un empoisonnement accidentel.
En 1982, un chimiste britannique analysa un échantillon de papier peint provenant du salon de Longwood et y détecta de l’arsenic contenu dans une peinture courante de l’époque. Déjà affaibli, Napoléon aurait inhalé ces émanations toxiques sur une longue période, ce qui aurait précipité sa mort.
Links:
- Ségur, Philippe Paul, comte de (1980). Napoleon’s Russian campaign.
- French Invasion of Russia, 1812: Napoleon’s Russian Campaign