Un fait géographique intéressant est que la Finlande et la Corée du Nord ne sont séparées que par un seul pays : la Russie.
Il n’est pas secret que la Fédération de Russie détient toujours le titre du plus grand pays du monde. S’étendant des pays baltes à l’ouest jusqu’aux rives occidentales de l’Alaska, à travers onze fuseaux horaires, la Russie est une terre immense, pleine de peuples complexes, de nations diverses, de ressources abondantes et d’une beauté incroyable.
Comment ce pays est-il devenu si vaste ? Son expansion résulte d’une histoire marquée par des conquêtes, des guerres et des décisions politiques s’étalant sur plusieurs générations de dirigeants et de siècles de bouleversements.
Les débuts médiévaux
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Au cours du Moyen Âge, plusieurs États ont émergé, formant les bases de ce qui deviendra plus tard la Russie.
Un groupe de Vikings appelés les Varègues établit une base de pouvoir au milieu du IXe siècle dans ce qui deviendra la ville de Novgorod. Cherchant à étendre leur influence commerciale, ils se déplacèrent vers le sud et fondèrent la ville de Kyiv. Ces Varègues sont connus sous le nom de Rus’ de Kyiv.
À partir de ce moment, une collection de principautés se forma dans l’actuelle Russie occidentale. Ces principautés rivalisèrent pour le pouvoir, et leurs dirigeants se disputèrent le titre de Grand Prince de Kyiv.
Cependant, au XIIIe siècle, ces principautés tombèrent sous la domination des Mongols et furent intégrées à l’Empire mongol. Pendant cette période, la principauté de Moscou devint un État puissant, bien qu’elle reste vassale des Mongols et des Tatars de la Horde d’Or.
En 1380, cette vassalité prit fin lorsque les principautés se rebellèrent et vainquirent la Horde d’Or à la bataille de Koulikovo, mettant ainsi fin à la domination mongole. Toutefois, les Mongols revinrent et reprirent le contrôle.
C’est finalement Ivan III, connu sous le nom d’Ivan le Grand, Grand Prince de Moscou, qui refusa de payer tribut aux Mongols. Cette insubordination aboutit à un affrontement entre les armées de la Horde d’Or et celles de Moscou sur les rives de la rivière Ougra.
Après plusieurs semaines de tension, le khan mongol décida de se retirer, laissant les Moscovites libres de leur destin. Profitant de cette opportunité, Ivan III soumit le khanat de Kazan, qui s’étendait au sud et à l’est de la principauté de Moscou.
La domination de la grande principauté de Moscou
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Après l’expulsion définitive des Mongols, Moscou devint le centre du pouvoir à partir duquel l’expansion russe se poursuivit. Sous Ivan III, la principauté de Moscou surpassa celle de Novgorod et posa les bases de ce qui allait devenir l’Empire russe des siècles plus tard.
Ivan III porta ensuite son attention sur l’État puissant de Novgorod. En 1471, il vainquit les troupes de Novgorod lors de la bataille de la Shelon et les força à prêter allégeance à Moscou. Sept ans plus tard, en 1478, il annexa officiellement Novgorod.
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Moscou contrôlait désormais toutes les terres du nord, depuis la Finlande jusqu’aux montagnes de l’Oural.
À la mort d’Ivan III, son fils Vassili III poursuivit l’œuvre d’expansion de son père en conquérant plusieurs États autonomes restants. Pskov fut annexé en 1510, Volokolamsk en 1513, Riazan en 1521 et Novgorod-Severski en 1522.
Sous Vassili III, le titre de tsar fut officiellement adopté, accompagné du symbole de l’aigle bicéphale, qui devint l’emblème de la monarchie et de l’État russe.
Une expansion encore plus grande
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Après Vassili III, son fils Ivan IV, surnommé Ivan le Terrible, prit le pouvoir. Sous le règne de Vassili III, le khanat de Kazan s’était affranchi de la vassalité russe pour devenir un État indépendant, s’alliant avec le khanat d’Astrakhan, le khanat de Crimée et la Horde de Nogaï, s’opposant ainsi à Moscou.
En 1552, Ivan IV assiégea Kazan et massacra ses défenseurs. Après la chute de ce khanat tatar, plusieurs autres petits États se rallièrent à la Russie pour éviter le même sort. En 1556, la résistance fut totalement écrasée, et Moscou prit le contrôle total de la région. Le khanat d’Astrakhan fut également annexé, offrant ainsi à la Russie un accès direct au bassin de la Volga.
Ivan IV poursuivit son offensive militaire contre les Tatars et d’autres peuples du sud. En 1571, une immense armée criméenne forte de 120 000 hommes marcha sur Moscou. Face à seulement 6 000 soldats russes, la ville fut abandonnée sans combat. Moscou, construite principalement en bois, fut réduite en cendres en seulement trois heures, à l’exception du Kremlin qui resta debout.
Le règne brutal d’Ivan IV empira encore avec des conflits mal gérés contre les Suédois et les Polonais, qui contraignirent la Russie à céder des territoires à l’ouest.
À sa mort en 1584, le pays était en ruines.
Les années qui suivirent furent misérables pour le peuple russe. Les luttes de pouvoir pour le trône laissèrent le pays pratiquement sans dirigeant, tandis qu’une famine emporta environ un tiers de la population russe.
Cherchant à tirer profit du chaos qui régnait en Russie, la Suède et la Pologne tentèrent de s’emparer des terres russes. Les Polonais envahirent et occupèrent Moscou pendant trois ans, jusqu’à ce que le peuple russe parvienne à s’unir et à rassembler une armée de paysans qui vainquit les Polonais et les chassa du territoire.
Malgré ces bouleversements, la Russie poursuivit son expansion vers l’est, au-delà de l’Oural, ouvrant la voie aux vastes annexions qui allaient suivre dans les décennies à venir. Les cosaques russes affrontèrent les Tatars vivant dans ces régions et finirent par asseoir leur domination après un conflit acharné.
L’Âge d’or
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La fin de la dynastie des Riourikides et l’avènement de la dynastie des Romanov marquèrent le début d’une période de succès et de prospérité pour l’État russe.
En 1613, Michel Romanov accéda au trône. Choisi parce qu’il paraissait faible et facile à contrôler, son règne se révéla pourtant étonnamment efficace. Il négocia des trêves avec les Suédois et les Polonais, mettant fin aux ambitions de ces pays sur le territoire russe.
Pendant cette période, la conquête de la Sibérie se poursuivit. Des explorateurs établirent des avant-postes, rencontrèrent les tribus locales et revendiquèrent des terres au nom de l’Empire russe.
Des explorateurs célèbres de cette époque poussèrent encore plus loin vers l’est, élargissant le territoire russe à travers la Sibérie. Pyotr Beketov fonda les colonies fortifiées de Iakoutsk, Tchita et Nertchinsk, qui deviendront plus tard des villes.
Le cosaque Kourbat Ivanov mena des expéditions dans la région de la rivière Léna et fut le premier Russe à découvrir le lac Baïkal. Ivan Moskvitine fut le premier Russe à atteindre la mer d’Okhotsk, devenant ainsi le premier à atteindre l’océan Pacifique via la Sibérie.
Vassili Poyarkov fut le premier explorateur russe à parcourir la région de l’Amour, qui forme aujourd’hui une frontière naturelle entre la Russie et la Chine. Cette région fut ensuite colonisée par l’explorateur Iéroféi Khabarov-Sviatitski.
Bien sûr, la Sibérie n’était pas une terre vide. Elle était peuplée de nombreuses tribus locales qui furent intégrées à l’Empire russe, soit par négociation, soit par la force. Selon les cas, certaines tribus, comme les Yakoutes, furent contraintes de s’assimiler à la culture russe, tandis que d’autres, notamment celles vivant dans l’extrême nord, purent conserver leur mode de vie traditionnel. Certaines de ces communautés perpétuent encore aujourd’hui leurs traditions ancestrales.
À l’ouest du pays, l’expansion se fit principalement par le conflit, car la Russie devait faire face à de nombreux ennemis à ses frontières occidentales. Les rivalités de longue date avec la Suède et la Pologne (ainsi qu’avec la République des Deux Nations) constituaient une menace constante, obligeant la Russie à maintenir une militarisation permanente.
Sous Michel Romanov, la Russie étendit son contrôle en soumettant les cosaques établis entre la Volga et l’Oural. À sa mort en 1645, son fils, le tsar Alexis, lui succéda et poursuivit l’expansion en conquérant des terres le long du Dniepr.
En 1648, les cosaques de cette région se rebellèrent contre la domination polonaise et demandèrent à Alexis de prendre le territoire sous sa souveraineté. Il accepta, ce qui entraîna un long conflit avec la Pologne. Le traité qui s’ensuivit accorda à la Russie la souveraineté sur toutes les terres situées à l’est du Dniepr, y compris Kyiv et Smolensk.
Après le règne d’Alexis, Pierre Ier le Grand (1682-1725) poursuivit l’expansion russe en s’emparant des territoires baltes, conquérant l’Estonie et la Livonie (qui correspondent aujourd’hui au nord-est de la Lettonie et au sud de l’Estonie).
Pendant ce temps, à l’est, Vladimir Atlassov explora les confins du nord-est et découvrit l’étendue de la péninsule du Kamtchatka, qui s’avance dans l’océan Pacifique. Cette région fut particulièrement difficile à conquérir, car les peuples autochtones opposèrent une farouche résistance à l’expansion russe, malgré les ravages causés par des maladies comme la variole, introduites par les envahisseurs russes.
Les Confins de la Sibérie
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À l’extrémité sud de la péninsule du Kamtchatka, les Itelmènes lancèrent plusieurs rébellions durant la première moitié du XVIIIe siècle, mais les occupants russes les réprimèrent facilement.
Au nord de la péninsule du Kamtchatka, les Koryaks opposèrent une résistance farouche à l’expansion russe. À partir de 1744, les Russes engagèrent de violents combats contre ces peuples autochtones.
Encore plus au nord, des décennies de luttes opposèrent les Russes aux Tchouktches. Agacée par la lenteur de la conquête, la tsarine Élisabeth ordonna en 1742 l’« éradication totale » des Tchouktches.
Après plusieurs décennies et sept campagnes militaires contre eux, les dernières terres sibériennes passèrent sous le contrôle de la Russie.
Catherine la Grande (Catherine II)
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Catherine la Grande est considérée comme l’une des plus grandes dirigeantes de la Russie. Sous son règne, l’Empire russe connut une expansion considérable. L’un de ses principaux objectifs était d’étendre la Russie vers le sud, car le pays n’avait pas accès à la mer Noire.
Elle renforça également le contrôle russe sur la Pologne en installant sur le trône un monarque fidèle, Stanisław August Poniatowski. Toutefois, ce dernier dut faire face à la situation désastreuse de son pays, dont la faiblesse facilita la perte de vastes territoires au profit des puissances voisines.
Les conflits à la frontière avec l’Empire ottoman jouèrent en faveur de Catherine lorsque les Ottomans déclarèrent la guerre. Complètement vaincus, ils durent accepter un plan visant à céder des terres polonaises aux grandes puissances européennes pour éviter une intervention autrichienne. Ce fut le début du premier partage de la Pologne, au cours duquel un tiers des terres polonaises furent réparties entre l’Autriche, la Prusse et la Russie.
La défaite des Ottomans permit également à la Russie d’occuper la Crimée et ses territoires voisins. En 1783, Catherine viola le traité et annexa complètement la Crimée. Plus tard, la Russie prit le port d’Odessa lors d’un nouveau conflit avec les Ottomans.
Annexions ultérieures
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En 1795, le reste de la Pologne fut partagé entre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Après la défaite de Napoléon, la Russie acquit encore plus de territoires vers l’ouest. Le redécoupage de la carte de l’Europe plaça ainsi la majeure partie du duché de Varsovie sous domination russe.
Un autre conflit contre l’Empire ottoman entraîna de nouveaux gains territoriaux. Les troupes russes s’approchèrent dangereusement de Constantinople, et en 1828, un traité négocié par la France et la Grande-Bretagne permit à la Russie d’obtenir des terres sur la côte nord-est de la mer Noire.
À l’est, Alexandre II profita de l’affaiblissement de la Chine lors de la Seconde Guerre de l’opium pour repousser les frontières russes jusqu’au fleuve Amour, au détriment du territoire chinois. De plus, la Russie s’étendit le long de la côte jusqu’à la frontière de la péninsule coréenne.
En 1864, Alexandre II poursuivit l’expansion en Asie centrale, intégrant au territoire russe une région connue sous le nom de Turkestan, qui correspond aujourd’hui à l’Ouzbékistan, au Kirghizistan, au Kazakhstan, au Tadjikistan et au Turkménistan.
L’Alaska
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Aussi loin que s’étendait la Sibérie, ce n’était pas la limite ultime de l’Empire russe. Au XVIIIe siècle, des commerçants de fourrures établirent des postes sur les îles Aléoutiennes avant de progresser vers l’est et de coloniser la côte de l’Alaska. En 1799, la Compagnie russo-américaine fut fondée pour superviser l’expansion et la colonisation des terres américaines.
Cependant, leur ambition ne se limitait pas à l’Alaska. Les Russes installèrent également des comptoirs commerciaux, comme Fort Ross sur la côte californienne et Fort Elizabeth à Hawaï.
Toutefois, ravitailler l’Alaska depuis la Russie s’avéra extrêmement difficile. La mauvaise gestion de la Compagnie russo-américaine fit de la colonie un fardeau financier considérable pour l’Empire.
De plus, les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne, qui contrôlait le Canada, se détériorèrent. Craignant une confrontation avec les Britanniques, le tsar Alexandre II décida de vendre l’Alaska aux États-Unis en 1867. Cette transaction permit de créer une zone tampon entre les territoires russes et britanniques en Amérique du Nord, réduisant ainsi l’influence britannique sur le continent.
La Russie moderne
À l’époque de l’Union soviétique, des frontières administratives furent tracées. Rien ne laissait présager qu’elles conduiraient plus tard à une réduction du territoire russe. Pourtant, lors de la dissolution de l’URSS, ces frontières servirent de base à la création de nouveaux États indépendants, tels que la Biélorussie et l’Ukraine.
À son apogée en 1895, la Russie couvrait 22,8 millions de kilomètres carrés, soit 16,92 % des terres émergées du globe. Elle fut le troisième plus grand empire de l’histoire après l’Empire britannique et l’Empire mongol. Bien que son territoire ait diminué, la Russie actuelle reste près de deux fois plus grande que le Canada.
C’est un pays marqué par une grande diversité, tant sur le plan humain que géographique, un héritage direct de son passé impérial.